Le prochain cercle de silence se tiendra ce vendredi 19 avril à 18h30, place du Palais Royal (le suivant se tiendra le 17 mai). Votre présence est précieuse, même pour quelques minutes !
Dans moins de deux mois, nous voterons pour les élire les députés européens. L'enjeu est double pendant cette période : lutter contre la désinformation concernant les personnes migrantes utilisée à des fins électoralistes par de nombreux partis et faire entrer au Parlement européen un maximum de représentant portant une vision humaniste sur les politiques migratoires.
Rappelons en effet l'impact des décisions des instances européennes sur la vie des personnes migrantes. La semaine dernière, le Parlement européen a adopté le Pacte sur la migration et l'asile. Ce texte, décrié par plus de 160 organisations, légalise et encourage des pratiques honteuses, contraires aux droits humains fondamentaux :
- Instauration d'une procédure de filtrage discriminatoire des demandeurs d'asile selon leur nationalité (ce qui est contraire au droit international), les privant d'un examen individuel et approfondi de leur situation,
- Généralisation des camps de détention et d'expulsion aux frontières, véritables zones d'exception où l'accès au juge est rendu quasi impossible, et dans lesquelles seront également enfermés des familles et des enfants,
- Déploiement de technologies de surveillance de masse aux frontières et collecte de données biométriques sur les personnes migrantes à partir de 6 ans,
- Possibilité pour les États de refuser d'accueillir des demandeurs d'asile et de financer à la place des moyens de fortification et de surveillance des frontières dans l'UE et dans des pays tiers.
En plus de cette réforme, l'UE multiplie les accords avec les pays non-européens comme la Tunisie, la Mauritanie ou la Libye pour tenter d'empêcher les départs vers l'Europe. Et tant pis si on finance par là-même des organisations et des régimes criminels qui commettent les pires exactions contre les migrants (torture dans les geôles libyennes, manœuvres dangereuses des garde-côtes libyens conduisant à des noyades, déportation et abandon des migrants dans le désert par la Tunisie...). Dernier accord en date, celui passé avec le dirigeant de l’Egypte Abdel Fattah Al-Sissi le 17 mars 2024 avec à la clé une enveloppe de 200 millions d'euros, notamment pour surveiller la frontière sud qui borde la bande de Gaza et le Soudan. L'UE paie donc le régime pour éviter le départ, dans le futur, de Palestiniens cherchant à échapper au génocide ou de Soudanais qui fuient la guerre qui a déplacé 8,4 millions de personnes en un an...
Et inutile probablement de préciser que rien n'est prévu dans le texte pour l'accueil digne des personnes migrantes ou le sauvetage en mer. Rappelons que chaque jour, des dizaines de personnes meurent en Méditerranée ou dans l'Atlantique, et nous ne saurons jamais combien ont disparu sans laisser de traces. Le 13 mars, l'équipage de l'Ocean Viking a porté secours à un bateau à la dérive depuis une semaine, sans eau ni nourriture. À l'arrivée des sauveteurs, une soixantaine de personnes (dont un bébé) étaient déjà mortes, et, sur les 25 secourues, une autre est décédée quelques heures plus tard. Peut-on imaginer ce que vivent ces personnes rescapées qui ont vu mourir à petit feu des membres de leur famille et des amis ?
Non seulement les gouvernements européens faillissent à leur devoir de sauvetage en mer, mais les gardes-frontières adoptent de plus en plus des pratiques agressives qui mettent en danger les passagers des embarcations. Et c'est notamment le cas de la police et de la gendarmerie françaises qui tentent d'empêcher les migrants de rejoindre le Royaume-Uni. Des enquêteurs du Monde ont ainsi montré les manœuvres dangereuses autour de bateaux à l'eau, allant jusqu'à crever des zodiacs se trouvant à plusieurs dizaines de mètres des côtes et dans lesquels se trouvent des enfants.
Les migrations sont des questions complexes pour lesquelles il n'y a pas de réponses toutes faites. Mais peut-être pourrait-on se poser la question de savoir dans quelle société nous voulons vivre. Une société dans laquelle la police pousse à l'eau des personnes épuisées et détruit les tentes de celles qui dorment dehors ? Une France dans laquelle plus d'un millier de mineurs non accompagnés vivent à la rue et où 60% des demandeurs d'asile ne bénéficient d'aucun hébergement contrairement à ce que prévoir la loi ? Qui s'enorgueillit d'accueillir les Jeux Olympiques mais qui chasse les plus démunis de la capitale, laissant des centaines de jeunes sans solution ? Une Europe qui enferme chaque année plus de 100 000 personnes pour le seul motif qu'elles sont étrangères ? Qui se barricade derrière 2000 km de murs gardés par 100 000 gardes-frontières ?
Dans cette période électorale où de nombreux politiciens vont jouer sur la peur de l'autre pour gagner des voix, ces questions méritent d'être posées. Et de se demander de quoi exactement on devrait avoir peur. En 2022, le nombre de personnes qui ont migré vers l'Europe ne représentait que 0,1% de la population européenne. Ne serait-il pas possible de les accueillir dignement ?
Si vous aussi pleurez les vies détruites par les politiques migratoires inhumaines et refusez d'accepter une société du repli sur soi et de la peur de l'étranger, nous vous invitons à venir nombreux vendredi pour manifester, par notre silence, notre solidarité envers les personnes migrantes.
Pour information, un cercle de silence (organisé par un autre collectif) se tient également tous les samedis de 12h à 13h devant Beaubourg (angle des rues St Martin et Aubry le Boucher) pour appeler à un cessez-le-feu à Gaza.