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Actualités du mois de mars 2024

Le prochain cercle de silence se tiendra ce vendredi 15 mars à 18h30, place du Palais Royal (le suivant se tiendra le 19 avril). Votre présence est précieuse, même pour quelques minutes !

Ce vendredi, cela fera 16 ans que le cercle de silence se tient chaque mois devant le Conseil d’État. Lieu symbolique et qui joue un rôle important dans le contrôle des politiques migratoires, comme le montre sa décision du mois de février de modifier le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en France, limitant les « refus d’entrée » aux frontières intérieures de la France. À la frontière italienne, le nombre de personnes renvoyées vers l'Italie a ainsi été divisé par quatre en un mois. Enfin une bonne nouvelle !

Le cercle de silence a été créé il y a donc 16 ans pour protester contre les politiques migratoires inhumaines de l'ère sarkozyste. En 2024, force est de constater que la situation n'a fait qu'empirer.

Le mot d'ordre des gouvernements européens est toujours "expulser, expulser, expulser" quoi qu'il en coûte et au mépris de la légalité. Le 26 février, un charter a été affrété pour expulser 58 personnes (dont de jeunes enfants) de Rennes vers la Géorgie. 80 policiers ont participé à l'opération. Notons que ces expulsions groupées sont contraires à la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Pour s'enfoncer toujours plus dans la honte, une obligation de quitter le territoire français (OQTF) a été délivrée à une famille gazaouie en France 2018. Où est-elle censée retourner ?

En 2024, les frontières tuent toujours plus. On déplore déjà au moins neuf morts noyés en tentant de rejoindre l'Angleterre, dont une petite fille de 7 ans, décédée le 3 mars. Les patrouilles des forces de l'ordre le long des plages poussent en effet les personnes migrantes à emprunter des routes de plus en plus dangereuses. Les bateaux sont maintenant mis à l'eau dans les fleuves où leur proximité avec les porte-conteneurs augmente leurs risques de chavirer. Les naufrages se multiplient aussi en Méditerranée, notamment à cause des décrets italiens visant à vider la zone des navires des ONGs et au refus des États européens de respecter leur devoir de sauvetage. Ainsi, le 6 mars, un adolescent a fait un arrêt cardiaque peu après son secours par le Sea-Watch 5 suite à son exposition pendant une dizaine d'heures aux vapeurs d’essence de son canot. L’équipe médicale à bord a réussi à le réanimer avant d'appeler les pays alentour pour demander son évacuation médicale urgente. Mais ni l'Italie, ni Malte, ni la Tunisie n'ont lancé d'évacuation et le garçon est décédé deux heures plus tard.

Non seulement les pays européens refusent de venir en aide aux personnes en détresse, mais ils arment les garde-côtes libyens pour qu'ils empêchent les migrants de parvenir en Europe. Lancé en 2020 et prolongé en mars 2023 jusqu'en 2025 par le Conseil européen, l'accord avec la Libye prévoit la formation des garde-côtes et la livraison de navires pour un montant de plus de 16 millions d'euros. Ces mêmes garde-côtes qui tirent à balles réelles lors des opérations des ONGs de sauvetage. Dernier report en date, le 2 mars, où ils ont ouvert le feu alors qu’une équipe de SOS Humanity procédait au sauvetage de migrants en détresse. De nombreuses personnes se sont alors jetées à l'eau, l'une d'elle est morte noyée. Si l’équipage du Humanity 1 est parvenu à secourir 77 personnes, de nombreuses autres ont été forcées de monter à bord du bateau des garde-côtes libyens, séparant au moins six membres d’une même famille. En 2023, environ 17 200 migrants ont été interceptés et renvoyés en Libye où ils sont soumis, de notoriété publique, à la torture et au travail forcé.

Enfin, les refoulements illégaux aux frontières sont légion sous les yeux, voire avec la complicité, de l'agence européenne Frontex. À la frontière entre la Bulgarie et la Turquie, des demandeurs d’asile sont obligés de retourner en Turquie à la nage, déshabillés de force, ou sévèrement mordus par les chiens des gardes bulgares. De nombreux rapports ont montré que les garde-côtes grecs repoussent les bateaux des migrants vers les eaux territoriales turques, souvent après leur avoir pris leurs effets personnels (argent et téléphones). En avril 2023, des garde-côtes grecs ont ainsi été filmés en train de placer sur un canot à la dérive un groupe de migrants, en majorité des enfants, dont un nourrisson. Pourtant, l'UE prévoit de multiplier par quatre les effectifs de Frontex d'ici à 2027, avec le déploiement de 10 000 gardes-frontières, et l'agence envisage de doter ses membres d’armes "létales et non létales".

Aucune amélioration non plus sur le front de l'accueil, notamment des enfants. À Paris, des centaines de mineurs isolés vivent à la rue. La préfecture multiplie les évacuations de campements, probablement dans le but de "nettoyer" la capitale avant les Jeux Olympiques... La semaine dernière, mercredi 6 mars, elle a évacué, sans relogement, un campement de 400 mineurs isolés entre le pont de Sully et le pont Neuf. Il s'agit de la quatrième opération de ce type. Une centaine de jeunes ont été autorisés à dormir devant un bâtiment au-dessus du pont Marie, mais la police leur a interdit d'installer des tentes. Il faisait 2°C. Pour résumer : en 2024, on trouve normal de faire dormir des enfants par terre dans la rue en plein hiver...

Alors bien sûr, après 16 ans, on pourrait se demander si cela vaut le coup de continuer, vu le manque criant de résultats. Et pourtant, malgré les doutes, notre motivation est intacte. On n'éteint pas une bougie dans la nuit sous prétexte qu'elle n'éclaire pas suffisamment. Chaque mois, nous espérons faire prendre conscience aux quelques personnes que nous croisons, qui lisent nos tartines interpellées par notre silence, du simple fait que les "migrants" ce sont d'abord des humains, comme nous, avec des rêves et des histoires, que chaque mort est une tragédie évitable, et que l'accueil nous enrichit davantage que le repli sur soi. Et cela vaut bien une heure de notre temps.

Nous espérons vous voir nombreux vendredi pour manifester, par notre silence, notre indignation face aux politiques migratoires inhumaines et notre solidarité envers les personnes migrantes.