Le prochain cercle de silence se tiendra ce vendredi 21 mars à 18h30, place du Palais royal (le suivant se tiendra le 18 avril). Votre présence en soutien est précieuse, même pour quelques minutes ! Nous relayons également l'appel collectif de nombreuses organisations à participer à la manifestation contre le racisme ce samedi 22 mars à 14h au départ de République.
Le 18 mars, la police a évacué brutalement (on compte 9 blessés) les 450 mineurs isolés qui occupaient depuis plusieurs mois la Gaité lyrique pour essayer de dormir au chaud. Ils ont été remis dehors par 2°C. Les seules solutions d'hébergement qui leur ont été proposées sont temporaires et en province, loin des associations qui les soutiennent et surtout des juridictions où ils attendent leur audience avec le juge des enfants. Et bien entendu, aucune perspective de scolarisation ne les y attend.
En France, 7ᵉ économie mondiale, 2000 enfants sont sans abri selon l'Unicef. En tout, 350 000 personnes sont sans-domicile, soit une augmentation de 6% en un an et de 145% depuis 2012 ! Lasses de cette situation insupportable, 40 associations ont déposé un recours contre les manquements de l'État sur l'hébergement d'urgence et le logement social. Récemment, la justice a d'ailleurs condamné l'État à verser 836 000 euros à la communauté d'agglomération Pays Basque, estimant qu'il avait manqué à ces responsabilités concernant l'organisation et le financement de l'accueil des personnes migrantes. Une décision qui pourrait faire jurisprudence tant les associations et les collectivités sont épuisées de pallier les carences de l'État en matière d'hébergement et d'accueil avec des moyens dérisoires.
Autre population particulièrement vulnérable, les femmes migrantes vivent bien souvent dans des conditions sordides dans notre pays. Face aux stéréotypes sur les migrants, on oublie souvent que plus de 48% des personnes qui migrent sont des femmes qui sont ainsi exposées à des violences spécifiques. De nombreuses femmes exilées arrivant en France ont fui des violences basées sur le genre dans leur pays d'origine : mariages forcés, mutilations génitales, violences conjugales, agressions sexuelles dans le cadre de conflits armés... Puis, sur le chemin de l'exil, neuf femmes sur dix subissent des violences, notamment le viol et la prostitution forcée. Quand elles arrivent en France après avoir subi toutes ces horreurs, on pourrait espérer qu'elles soient prises en charge pour leur permettre de se rétablir. Au lieu de cela, les politiques de non-accueil les laissent dans la précarité la plus totale. À la rue ou dans les campements, elles sont particulièrement exposées aux violences et aux réseaux de traite d'êtres humains. Dans le nord, le démantèlement incessant des campements aux abords des côtes de la Manche et l'absence d'installations sanitaires démultiplient encore la problématique. Dans l'un des campements, pour trouver des toilettes publiques, il est nécessaire de prendre un bus dont l'arrêt est situé à 35 minutes de marche. Impossible donc d'y aller la nuit. Se soulager dans le noir expose aux agressions, se retenir aux infections urinaires... Pour pallier le problème, une association en est réduite à distribuer aux femmes des couches pour adultes. Une "solution" qui n'en est pas vraiment une quand il n'y a pas d'endroit pour se laver... Cette situation est-elle acceptable en 2025 dans un pays riche comme le nôtre ?
Même quand un dispositif d'accueil est censé être prévu, comme pour les demandeurs d'asile et les réfugiés, il est grandement insuffisant. Le dispositif national d’accueil, dédié aux demandeurs d'asile et réfugiés, compte ainsi 120 000 places d'hébergement dont seules 300 sont réservées aux femmes exilées victimes de violences ou de traite des êtres humains. Dérisoire donc par rapport aux chiffres mentionnés plus haut. Et cela ne risque pas de s'améliorer avec la suppression de 10 000 places d'hébergement pour demandeurs d'asile dans le budget 2025.
Pourtant, le gouvernement sait trouver de l'argent quand il s'agit d'enfermer les gens dans des centres de rétention. Il prévoit ainsi la construction de nouveaux centres, notamment à Nantes et Dunkerque, et le ministre de l'Intérieur souhaite prolonger la durée maximale de détention à 18 mois. On aurait donc du budget pour enfermer pendant un an et demi des gens n'ayant commis aucun crime tandis que nos prisons sont surpeuplées et en manque de personnel et qu'on n'a soi-disant pas les moyens d'héberger décemment les enfants ! Actuellement, les trois mois de détention sont déjà source de beaucoup de souffrance pour les personnes enfermées. Le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté a même relevé des conditions d'hygiène lamentables, une nourriture insuffisante, le recours massif et en dehors de tout cadre légal à l'isolement et le manque d'accès aux soins. Plusieurs personnes y meurent chaque année. Au point que la Cimade a décidé de se retirer définitivement du centre du Mesnil Amelot car les conditions ne lui permettaient pas de remplir sa mission d'accès aux droits. Elle dénonce également les pratiques illégales de la préfecture, une vingtaine de personnes ayant été expulsées illégalement à partir du Mesnil Amelot entre 2023 et 2024.
Quand les politiques et les grands médias nous parlent des migrants, la question du respect des lois et des "valeurs" françaises et européennes revient en boucle. Mais ils omettent que, le plus souvent, ces lois et ces valeurs ne sont pas bafouées par les personnes migrantes mais par nos propres institutions. Ces expulsions illégales ne sont malheureusement qu'un exemple dans un océan de violations. Le maire RN de Bézier devrait comparaître prochainement devant le tribunal correctionnel pour avoir refusé de marier une française et son fiancé sans-papier. Il est intéressant de noter une fois de plus combien les droits des migrants et des français sont liés : est-on d'accord pour qu'un maire puisse décider avec qui on a le droit de se marier ? Plus grave encore, des témoignages accusent un gendarme d'avoir percé d'un coup de couteau le boudin d'une embarcation dans la Manche, provoquant un mouvement de panique. Une femme est tombée à l'eau et souffre de graves séquelles à cause du manque d'oxygène dans son cerveau lors de la noyade. Nous sentons nous vraiment en sécurité lorsque les forces de l'ordre se comportent ainsi ?
À l'échelle européenne, neuf organisations de défense des droits de l'Homme ont publié un rapport faisant état d'au moins 120 457 "pushbacks" en 2024 en Europe. Ces refoulements à la frontière sans laisser à la personne concernée la possibilité de demander l'asile sont illégaux au regard du "principe de non-refoulement" consacré par l’article 33 de la Convention de Genève sur le droit des réfugiés ratifiée par les pays européens. En tête du classement des pays qui refoulent le plus de migrants, arrive la Bulgarie avec 52 534 "pushbacks" vers la Turquie en 2024. Ces refoulements, souvent violents, peuvent parfois mener à des drames : au moins 93 personnes transitant par la Bulgarie sont décédées en 2022 et 2023 et, récemment, trois adolescents sont morts de froid après que la police bulgare ait empêché les secours de les atteindre. En deuxième position se trouve la Grèce, avec 14 482 refoulements, consistant en général à abandonner les personnes dans les eaux turques après leur avoir pris leurs affaires personnelles et leur carburant. En janvier 2025, la Grèce a d'ailleurs été condamné par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) pour refoulement illégal de migrants. En février 2025, la Pologne, la Lettonie et la Lituanie comparaissaient devant cette même Cour pour les mêmes griefs. Avec la Hongrie et la Croatie, ces pays ont commis plusieurs milliers de refoulements en 2024. Le rapport inclut également les plus de 21 000 personnes ramenées de force en Libye par les garde-côtes libyens financés par l'Union européenne. Le 18 février, une trentaine d'ONGs ont à nouveau demandé à l'UE de mettre fin à son partenariat avec la Libye suite à la découverte macabre de fosses communes de migrants dans le pays.
Soyons donc nombreux au cercle de silence pour montrer notre refus des politiques migratoires inhumaines et notre volonté de construire une société ouverte et accueillante. Et n'hésitez pas à diffuser largement cette lettre d'information !