Le prochain cercle de silence se tiendra ce vendredi 18 avril à 18h30, place du Palais royal (le suivant se tiendra le 16 mai). Votre présence en soutien est précieuse, même pour quelques minutes !
Il y a un an, le 10 avril 2024, le Parlement européen a adopté le Pacte européen sur l’asile et la migration qui réduit l'accès aux droits des personnes migrantes avec notamment la généralisation de la détention aux frontières et le fichage généralisé dès 6 ans. Alors que le pacte est en train d'être transposé dans le droit national des pays membre, la Commission européenne a déjà annoncé au mois de mars une nouvelle proposition législative visant à accélérer les déportations. Parallèlement, le repli sur soi et le rejet des exilés caractérisent la politique migratoire de la majorité des pays de l'UE, souvent au mépris du droit européen et international. Ainsi, le mois dernier, l'Autriche a décidé de suspendre le regroupement familial, pourtant garanti par le droit européen. Pourtant, en 2024, moins de 8000 personnes sont arrivées en Autriche - un pays de 9 millions d'habitants - grâce au regroupement familial. Au même moment, le Sénat polonais a entériné un texte permettant de limiter le droit d'asile en Pologne. Le gouvernement belge, quant à lui, a lancé une campagne sur les réseaux sociaux visant à décourager les migrants de venir en Belgique. On n'ose se demander le coût d'une telle campagne... Les fonds n'auraient-ils pas été mieux investis pour l'hébergement et l'accueil ?
En France, le Parlement a définitivement adopté, le 8 avril, une loi réduisant le droit du sol à Mayotte en imposant que les deux parents du futur naturalisé soient résidents réguliers depuis un an - contre un des deux parents depuis trois mois actuellement. Nos politiques sont incapables de comprendre que ce n'est pas l'attrait pour la nationalité qui pousse les gens à migrer, comme le montre le fait que la dernière réduction de l'accès à la nationalité qui date de 2018 n'a pas été accompagné d'une diminution du nombre d'arrivées, bien au contraire. Les Comoriens qui viennent à Mayotte du fait des liens culturels et familiaux entre les îles de l'archipel et les personnes de la région des Grands Lacs qui fuient des persécutions et viennent demander l'asile ne sont pas mues par la perspective de la naturalisation de leurs enfants ! Bien que Mayotte ait le statut de département, l'île est ainsi soumise à une législation d'exception dont un autre exemple est l'absence de l'Aide médicale d'État (AME). De ce fait, les personnes migrantes n'ont d'autre choix que ne se tourner vers l'unique centre hospitalier, déjà insuffisant comme l'ensemble de nos services publics. À quoi s'ajoute le fait que la prise en charge tardive des pathologies entraîne un surcoût significatif pour l'ensemble du système, sans compter le coût humain.
En métropole, plusieurs opérations de contrôle massives ont eu lieu le mois dernier, notamment dans les Landes et les Bouches-du-Rhône, mobilisant plusieurs centaines de gendarmes et policiers pour aboutir à l'arrestation de moins d'une trentaine de personnes en situation irrégulière. Encore une fois, l'État sait mettre des moyens dans ce genre d'opérations qui ne résolvent rien, mais pas pour assurer les services de base. Le 27 mars, une dizaine d'associations ont saisi le Conseil d'État pour dénoncer les dysfonctionnements massifs et récurrents de l'ANEF, la plateforme numérique pour les étrangers en France, dont l'utilisation est obligatoire pour la plupart des démarches administratives liées à l'immigration. Les multiples bugs de l’ANEF empêchent concrètement les étrangers régularisés de prendre un rendez-vous à la préfecture, de renouveler leurs papiers ou même de déclarer un changement d’adresse ou de situation familiale. C'est ainsi que de nombreuses personnes perdent leur emploi, faute des documents nécessaires pour leur employeur, voire se retrouvent sans-papiers alors qu'elles étaient en situation régulière. L'ampleur de problème est telle que les associations d'aide aux personnes migrantes sont maintenant régulièrement contactées par des employeurs qui craignent de perdre les employés qu'ils ont eu du mal à recruter.
Le mois dernier, nous relations l'expulsion des centaines de jeunes migrants (mineurs) qui occupaient la Gaité lyrique à Paris. À ce jour, les jeunes sont à la rue, dispersés dans les campements qui restent autour de la capitale et expulsés dès qu'ils essaient de se regrouper. La préfecture a même modifié l'âge de certains jeunes pour les placer sous OQTF (Obligation de quitter le territoire français). Dans l'impossibilité de se fixer quelque part, l'état psychique des jeunes se dégrade et il est très difficile pour les associations de garder le lien avec eux. Isolés, ces jeunes sont des proies faciles pour les réseaux de traite et de prostitution. Pourtant, à Paris, 3000 logements sont inoccupés depuis plus de 5 ans et on compte 9 millions de mètres carrés de bureaux vides, de quoi donner un toit à ceux qui en ont besoin - français comme étrangers - si on veut s'en donner les moyens.
Plus loin de nous, et rarement mentionnés dans les médias, des dizaines de personnes continuent de mourir chaque jour en tentant de rejoindre l'Europe. Le 12 mars, 13 personnes ont été secourues dans l'Atlantique en route vers les Canaries. Ce sont les seuls survivants d'une embarcation avec 85 personnes à bord qui a dérivé pendant près de trois semaines. Les 70 autres sont mortes au fil des jours. La semaine précédente, plusieurs embarcations à la dérive avec plusieurs cadavres à bord avaient déjà été découvertes et les associations locales sont à la recherche de plusieurs convois disparus depuis janvier. Avec l'intensification de la surveillance le long du littoral - suite aux pressions européennes sur les gouvernements du Maroc et de la Mauritanie -, les pirogues s'éloignent davantage des côtes africaines, augmentant leur risque d'être emportées par les courants. Malgré sa dangerosité, la route des Canaries est devenue la route vers l'Europe la plus empruntée. Cela coïncide avec une situation catastrophique dans la région du Sahel où 5,5 millions de personnes ont été déplacées à cause de la crise climatique et de l'instabilité politique. Au même moment, en Méditerranée, les naufrages se succèdent aussi avec, par exemple, 40 disparus au large de Lampedusa le 18 mars et au moins 16 au large de la Grèce le 3 avril. Dans la nuit du 16 au 17 mars, plusieurs bateaux ont pris la mer au même moment depuis la Tunisie. Au moins 18 personnes se sont noyées et 612 ont été interceptées par les garde-côtes tunisiens (financés par l'Union européenne) avant d'être abandonnées dans le désert (femmes enceintes et enfants compris) aux frontières avec l'Algérie et la Libye, à plusieurs jours de marche de la ville la plus proche.
Malgré ce tableau très sombre, ce n'est pas le moment de baisser les bras. Aux manquements des États suppléent une multitude d'associations et de collectifs de citoyens qui, avec les moyens du bord, apportent une aide aux personnes migrantes, que ce soit pour leur offrir un moment de calme avant leur rendez-vous à l'Ofpra, les mettre à l'abri quelques nuits, les aider à naviguer les méandres toujours plus compliqués de l'administration, leur apprendre le français ou organiser les sauvetages en mer. Les besoins sont plus criants que jamais, soyons nombreux à les rejoindre et à les soutenir ! Et soyons nombreux à nous manifester sans relâche au cercle de silence pour une société accueillante et solidaire ! N'hésitez pas à diffuser cette lettre d'information autour de vous !