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Le prochain cercle de silence se tiendra ce vendredi 20 décembre à 18h30, place du Palais royal (le suivant se tiendra le 17 janvier). Pour beaucoup de personnes migrantes, l'heure n'est malheureusement pas à la fête. Votre présence en soutien est précieuse, même pour quelques minutes !

Nous aurons d'abord une pensée pour toutes les personnes affectées par le cyclone Chido qui a frappé Mayotte il y a moins d'une semaine. Les estimations du nombre de morts varient entre quelques centaines et quelques milliers de personnes et il est probable qu'un bilan exact n'en sera jamais effectué, les populations les plus affectées vivant dans des conditions sordides dans des bidonvilles où, même en temps normal, l'accès à l'eau n'est pas garanti. Cette catastrophe nous rappelle la négligence criminelle de l'État envers le département le plus pauvre de France où les trois-quarts des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Une partie importante de la population vient des Comores voisines mais également d'Afrique de l'Est ou de Madagascar. Chaque année, de nombreuses personnes meurent dans l'Océan Indien en tentant de rejoindre l'île. Aucun système de sauvetage évidemment, mais une politique migratoire particulièrement répressive avec des dizaines de milliers d'expulsions par an. Avec le cyclone, cette politique a fait des victimes supplémentaires, les personnes sans-papiers ayant craint de se faire arrêter et expulser si elles se rendaient dans les abris.

Il n'y a pas qu'à Mayotte où la crainte de la police a des conséquences mortelles pour les personnes migrantes. Cette année, plus de 80 personnes (dont des enfants) sont mortes en tentant de passer au Royaume-Uni soit plus qu'au cours des cinq années précédentes. Et le bilan ne tient compte que des personnes dont les corps ont été retrouvés, pas de celles qui sont portées disparues par des proches après un naufrage. Les associations sont unanimes sur la responsabilité portée par la militarisation de la région autour de Calais qui contraint les migrants à partir de plus en plus loin des côtes britanniques ou à monter dans les bateaux alors qu'ils sont déjà en mer, risquant l'hypothermie et la noyade. De nombreuses pratiques illégales et dangereuses de la part des forces de l'ordre ont été documentées comme le percement des embarcations, la jetée de gaz lacrymogènes dans les canots ou les tirs de lanceurs de balles de défense (LBD), une arme pourtant potentiellement létale.

Début novembre, Human Rights Watch a dénoncé, dans une lettre à Michel Barnier, alors Premier ministre, la détérioration du bilan de la France en matière de droits humains au cours des dernières années. L'ONG a notamment mis en cause lois successives sur l'immigration qui ont "porté atteinte aux droits des migrants et des demandeurs d’asile" et a pointé du doigt les "problématiques systémiques que sont le racisme structurel et les pratiques policières discriminatoires." 

Cela fait plus de 16 ans que les cercles de silence ainsi que de nombreuses associations dénoncent les politiques migratoires en question. Parmi les pratiques dont nous exigeons la suppression, figure l'enfermement dans les centres de rétention, structures carcérales qui "fêtent" leur 40 ans cette année. En 2023, 45 000 personnes ont été enfermées dans ces centres, souvent de manière illégale. La Cimade a ainsi recensé des enfermements de français (!), de personnes gravement malades, d'une femme victime de violence qui sollicitait l'aide de la police et de personnes venant de régions en guerre comme le Soudan, la Palestine, Haïti ou le Tigré (en Éthiopie). Et il a fallu 11 condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l'Homme à cause de l'enfermement des enfants pour que cette pratique soit enfin interdite, sauf à Mayotte, où plus de 55 000 enfants ont été enfermés en 20 ans et où l'interdiction ne prendra effet qu'en 2027 !

À cela s'ajoutent les maltraitances quotidiennes dont sont victimes les exilés venus chercher un peu de sécurité dans notre pays. Beaucoup se retrouvent à la rue et subissent un harcèlement policier permanent pour les empêcher de former des campements, même en plein hiver. À Calais, où plusieurs milliers de personnes vivent dehors, 3200 tonnes de rochers ont été déposées en centre-ville début novembre, pour empêcher l'installation de tentes. En France, l'un des pays les plus riches de la planète, des milliers d'enfants vivent à la rue. À Paris, plus de 200 mineurs non accompagnés ainsi que deux femmes enceintes et des jeunes enfants (dont un bébé de 18 mois) ont récemment investi le bâtiment de la Gaité lyrique en espérant enfin faire valoir leurs droits à l'hébergement et à l'éducation. Aux dernières nouvelles, ils étaient toujours sans chauffage ni solution durable. Dans le Nord, une soixantaine de mineurs isolés ont été installés dans un hôtel sans aucun suivi éducatif, alors même que l'accès au titre de séjour à leur majorité est tributaire de leur parcours scolaire... À Calais, les mineurs isolés, sans ressources, tentent désespérément de monter dans les camions en partance pour l'Angleterre au risque de se faire écraser, tabasser par les chauffeurs ou mordre par les chiens des gardiens de sécurité. Pour gagner l'argent nécessaire à la traversée en bateau, certains de ces enfants en sont réduits à se prostituer.

Quant à l'Europe, elle se barricade chaque jour davantage sur elle-même, au mépris des droits humains et du droit international. Plusieurs pays comme la Finlande ou la Pologne ont décidé de restreindre l'application du droit d'asile, avec la bénédiction de la Commission européenne. Alors que situation en Syrie est encore très instable, que le pays est en ruine après 13 ans de guerre et qu'Israël en profite pour bombarder plusieurs régions dont la banlieue de Damas dans l'impunité la plus totale, de nombreux pays européens dont la France, l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Norvège ou la Suède ont décidé de suspendre le traitement des demandes d'asile des Syriens. Le droit maritime, qui impose de venir en aide aux personnes naufragées, est également allègrement bafoué. La Grèce, sous la surveillance de l'agence européenne Frontex, a effectué au moins 2000 renvois illégaux vers les eaux turcs, avec plusieurs cas de noyades documentés (et de fortes suspicions que cette pratique ait été la cause du naufrage de l'Adriana en juin 2023, entraînant la mort de 650 personnes). L'Italie augmente encore son arsenal punitif contre les ONGs de sauvetage en mer qui, en privant la Méditerranée des rares navires de sauvetage, est déjà certainement responsable d'un nombre de décès qu'on ne connaîtra probablement jamais avec certitude, certaines embarcations disparaissant sans laisser de traces. Le 11 décembre, l'équipage du navire de sauvetage Trotamar III a miraculeusement entendu les appels dans la nuit d'une enfant de 11 ans qui flottait dans l'eau depuis plusieurs jours. Les 44 autres passagers ont été engloutis par la mer. Pour l'ONG Sea Watch, le nombre moyen de personnes décédées en Méditerranée est passé de 162 à 218 avec l'arrivée au pouvoir de la Première ministre d'extrême droite. Et puis les drames s'enchaînent, dans la Manche, la Méditerranée ou l'Atlantique, où des embarcations font naufrage plusieurs jours après que des ONGs aient alerté sur leur situation de détresse, différents pays se renvoyant la responsabilité du sauvetage jusqu'à ce qu'il soit trop tard. 

Ces politiques migratoires ne sont pas un problème de gestion, comme elles sont régulièrement présentées, mais correspondent à un modèle de société. Un modèle où l'on laisse des personnes à la rue ou dans des bidonvilles au sein de sociétés opulentes, où l'on paie des gens pour tirer sur ceux qui fuient la guerre ou la misère, où l'on laisse des enfants se noyer dans l'indifférence et où l'on criminalise ceux qui cherchent à leur venir en aide, en bref, un modèle sans considération pour la vie humaine. Est-ce vraiment la société dans laquelle nous souhaitons vivre ?

Au cercle de silence, nous refusons ce modèle de société et revendiquons notre détermination à construire un monde solidaire et ouvert qui célèbre la valeur intrinsèque de chaque individu. Nous vous y espérons nombreux !

Dans son discours de politique générale du 1er octobre, le nouveau Premier ministre Michel Barnier a fait part de sa volonté de durcir encore la politique migratoire française. Il a notamment proposé la possibilité d'allonger la durée de rétention des personnes sans-papiers au-delà de la limite légale de 90 jours. Il a également évoqué le chantage aux visas pour les pays qui refusent d'accorder les laissez-passer consulaires nécessaires aux expulsions. Rappelons que la politique française et européenne des visas est déjà fortement inégalitaire vis-à-vis des pays du Sud, en particulier d'Afrique. Les demandes sont en effet longues et coûteuses et aboutissent le plus rarement à des refus. Cela signifie que, si les Français ont le droit de se rendre par exemple en Algérie ou au Maroc pour les vacances, les Algériens et les Marocains sont souvent privés du droit de visiter la France, y compris pour rendre visite à leurs proches. 

Pour le seconder dans sa mission d'expulser un maximum de personnes, M. Barnier a nommé comme ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, qui ne fait pas mystère de ses positions anti-immigration. En visite au centre de rétention du Mesnil-Amelot, ce dernier a déclaré ne plus vouloir de la présence des associations dans les centres de rétention administrative et confier à l’Ofii, organisme sous tutelle du ministère de l’Intérieur, la mission d’aide juridique, prétextant que les associations seraient « juge et partie ». Ce serait en effet dommage qu'il y ait un regard extérieur pour témoigner des conditions désastreuses de ces centres et des pratiques illégales qui y sont monnaie courante. Par exemple, cet été, la Cimade a dénoncé les conditions sanitaires épouvantables du centre du Mesnil-Amelot où les détenus n'avaient pas un accès suffisant à l'eau pendant les fortes chaleurs. Elle a également assisté au placement en rétention de deux Brésiliens, interpellés pour suspicion d'escroquerie alors qu'ils essayaient de changer leurs billets aux abords d'un lieu d'épreuve olympique. Ils avaient pourtant leurs billets pour rentrer chez eux quelques jours plus tard. C'est sûr que ça donne une belle image de la France... Mais eux au moins ne risquent pas leur vie en rentrant dans leur pays. Ce n'est pas le cas d'autres nationalités que les préfectures n'ont pas hésité à expulser ses derniers moins. On a ainsi assisté à des expulsions vers la République démocratique du Congo (où sévissent des conflits violents qui ont fait près de 7 millions de déplacés) ou vers Haïti, pourtant en proie à une guerre des gangs meurtrière. Notons que, dans les deux cas, les ingérences occidentales ne sont pas étrangères aux drames qui se déroulent sur place : le contrôle des ressources minières en RDC, exploités notamment dans l'industrie du numérique est l'une des causes du conflit, tandis que la situation politique et économique d'Haiti ne serait sans doute pas ce qu'elle est sans la dette écrasante à laquelle la France l'a soumis entre son indépendance et la première moitié du XXème siècle (le manque à gagner actuel pour Haiti dû aux conséquences de la dette est évalué à plusieurs dizaines de milliards de dollars). Et parmi les personnes enfermées en centre de rétention récemment, se sont également retrouvés des Syriens, des Afghans, des Soudanais et des Palestiniens. Sommes-nous fiers d'essayer de renvoyer les gens vers un dictateur sanguinaire, les talibans, la famine ou un génocide ?

D'après M. Retailleau, "l'immigration n'est pas une chance pour la France". Il est étrange qu'un ancien sénateur et maintenant ministre soit si mal informé de l'apport humain et économique des personnes migrantes. Il a été maintes fois établi que les immigrés, du fait de leur âge généralement plus jeune que la moyenne française, contribuent plus aux finances publiques qu'ils ne coûtent. La Seine-Saint-Denis, département qui comprend la plus grande part de personnes issues de l'immigration en France (31,6 % selon l'Insee), est ainsi le huitième département contributeur au financement de la protection sociale alors que c'est celui qui en reçoit le moins. Pour se rendre compte de la contribution des étrangers, on peut aussi essayer d'imaginer la France sans eux. En Île-de-France, 60% des aides à la personne sont des immigrées. Souhaite-t-on vraiment qu'elles rentrent soi-disant "chez elles" ? Et Paris ne serait-elle pas un peu triste sans restaurants ? Mais pour cela, il faut des cuisiniers dont la moitié sont des personnes immigrées, une grande partie étant même sans-papiers. Plus généralement, en Europe, ce sont plus de 2,4 millions de travailleurs migrants qui s'occupent de récolter nos fruits et nos légumes, souvent dans des conditions d'exploitation sordides. Une pétition est d'ailleurs en ligne pour les soutenir et exiger des conditions de travail dignes pour tous les travailleurs. 

M. Retailleau a également remis sur la table la suppression de l'AME, l'aide médicale d'Etat, qui permet aux personnes sans-papiers d'accéder à un panier de soins de base. Cette mesure, déjà retoquée par le Conseil constitutionnel lors de l'examen de la loi Immigration, fait frémir toutes les personnes sensibles à la souffrance humaine et fait bondir les médecins qui dénoncent une mesure délétère pour la santé publique et qui ajouterait un poids supplémentaire à l'hôpital public, les actuels bénéficiaires risquant de se tourner vers les urgences, le seul service qui leur serait encore accessible. Cette mesure est en outre dénuée de fondement économique, l'AME ne représentant que 0,47% du budget de l'assurance maladie. 

Avec ce nouveau gouvernement, l'heure est à la remobilisation, car il est clair que la situation des migrants va être encore plus difficile qu'elle n'est déjà. Il va nous falloir nous organiser encore plus pour soutenir ces personnes et leur permettre de remplir leurs besoins de base. Mais également œuvrer à sensibiliser nos concitoyens tant à leurs souffrances qui résultent de politiques migratoires inhumaines qu'aux richesses qu'elles nous apportent. Au cercle de silence, nous voulons dire oui à la fraternité, à l'accueil et à la rencontre entre les cultures du monde, et non à l'indifférence, à la peur de l'autre et aux discriminations. Le prochain cercle de silence aura lieu le 15 novembre place du Palais royal. Nous vous y espérons nombreux !

Les collectifs de Sans-papiers et les associations qui les soutiennent appellent à une manifestation samedi 24 août pour l'anniversaire de l'expulsion violente des Sans-papiers de l'église
St-Bernard en 1996.

Le 18 mars 1996, à Paris, 350 personnes (hommes, femmes et enfants) en situation irrégulière sortent en pleine lumière et elles occupent des églises, des gymnases, un entrepôt de la SNCF pour obtenir leurs papiers. Le 28 juin, l'église Saint-Bernard est occupée et dix Sans-papiers commencent une grève de la faim. Le 23 août 1996, la police évacue l'Église Saint-Bernard en défonçant la porte à coups de hache pour déloger les dix grévistes de la faim et les familles qui y campaient depuis plus de 50 jours.
Depuis 28 ans, la situation des Sans-papiers ne s'est pas améliorée, bien au contraire. Organisés en collectifs, ils continuent de lutter en organisant des occupations, des marches et des grèves.

Le 24 août, cette nouvelle mobilisation sera l'occasion de revendiquer :

  • La régularisation globale de tous les Sans-papiers par une carte de dix ans,
  • L'égalité des droits,
  • L'accès au logement et aux études pour les mineurs isolés,
  • L'abrogation de la loi Darmanin et de toutes les lois racistes,
  • La fermeture des Centres de rétention,
  • La dissolution de Frontex.

La manifestation partira à 15h du métro Couronnes pour rejoindre l'église Saint Bernard. Soyons-y nombreux !

Ne pensons pas que le gouvernement prend des vacances en été sur les dispositions anti-migrants. Au contraire, le 14 puis le 16 juillet 2024, à quelques heures de sa "démission", le gouvernement a publié plusieurs décrets d’application de la « loi immigration ». Permettant la mise en œuvre de la loi, ces décrets auront des conséquences concrètes et dévastatrices pour leurs droits, particulièrement dans un moment de l’année où les permanences associatives tournent au ralenti et ne pourront pas jouer leur rôle essentiel d’information. Parmi les mesures maintenant en application, citons notamment la réduction des délais de recours contre les obligations de quitter le territoire (48h en rétention, 7 jours en cas d'assignation de résidence), contre les refus d’accès à un hébergement ou à une allocation pour les demandeurs d’asile ou contre les décisions de transfert dans un autre pays européen (7 jours), l'exécutabilité des OQTF pendant 3 ans, la généralisation de la rétention (notamment pour les demandeurs d'asile)...

Le dernier mois, l'actualité s'est focalisée sur les jeux olympiques, mais les conséquences sociales de cet événement sur les personnes les plus vulnérables, particulièrement les migrants sans-papiers, ont le plus souvent été passées sous silence. Ainsi, selon le collectif « le Revers de la Médaille », un nombre record de 42 démantèlements de campements de migrants en trois mois a été réalisé en région parisienne, représentant 2 472 personnes expulsées. Si, lors des évacuations, la préfecture a généralement proposé aux migrants d’être transférés dans des SAS en province, ce dispositif est totalement inadapté, car la durée d'hébergement dans ces structures est limitée à trois semaines après lesquelles les personnes se retrouvent le plus souvent à nouveau à la rue, mais sans les liens de solidarité et d'entraide qu'elles avaient pu tisser dans la capitale. Le 6 août, environ 250 sans-abris et migrants accompagnés de soutiens ont occupé la place de la Bastille pour dénoncer les expulsions des populations précaires de la capitale en marge des Jeux olympiques, mais ont été dispersées par la police, bien sûr sans solution. En outre, les périmètres de sécurité installés pour les JO restreignant la circulation à Paris ont grandement compliqué l'accès des migrants aux dispositifs de solidarité comme les distributions alimentaires ou les centres de soin de Médecins du Monde.

Et puis, pendant les JO, il ne faisait pas bon être étranger et se mêler d'humanité. Ainsi, un ressortissant australien qui a tenté de s’introduire sur un terrain olympique le dimanche 4 août afin d’interpeller l’opinion publique sur les guerres en Ukraine et à Gaza a vu son visa abrogé et a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) pour "menace à l'ordre public" et a été placé en centre de rétention. Selon la loi, une personne ne peut être expulsée qu'après l'expiration du délai légal de 48h pour faire un recours contre cette décision. Mais l’administration française a décidé sciemment de violer ce droit au recours effectif, pourtant protégé par plusieurs conventions internationales et par la Cour Européenne des Droits de l’Homme et il a été expulsé dès le lendemain avant que les juristes de la Cimade présents sur place n’aient pu le rencontrer et lui permettre d’exercer ses droits. Cette situation est loin d’être un cas isolé : la France a d’ores et déjà expulsé plusieurs personnes en violation de l’État de droit depuis le début d’année. Alors que les droits accordés aux personnes menacées d’expulsion ont été à nouveau réduits par la loi du 26 janvier 2024, le ministère de l’Intérieur et les préfectures affichent un mépris de plus en plus systématique et assumé pour le respect des maigres garanties dont disposent les personnes étrangères. 

Du côté de l'Union européenne, pas de trêve non plus sur les politiques migratoires répressives. Ainsi, la présidente de la Commission européenne a annoncé le 18 juillet sa volonté de renforcer l'agence Frontex chargée du contrôle des frontières extérieures en triplant le nombre de gardes-frontières et de garde-côtes européens pour atteindre les 30 000. Avec un budget colossal et en perpétuelle augmentation de plus de 845 millions d’euros en 2023 (contre 174 millions pour l'agence de l'Union européenne pour l'asile), il s'agit pourtant déjà de l’agence européenne la mieux dotée. Et cela alors que les rapports se succèdent, dénonçant l'implication de l'agence dans des violations des droits, des mauvais traitements et surtout des refoulements illégaux. Au mois de février, la médiatrice de l'UE avait pourtant tiré la sonnette d'alarme en déclarant : "Cette agence n’est pas réformable, elle est hors de contrôle. Il faut la supprimer pour faire cesser les violations qui sont perpétrées au nom de la protection des frontières et en toute impunité". L'agence n'est bien sûr pas la seule à commettre des exactions sur les migrants. Le 20 juillet, des garde-côtes grecs ont tiré sur une embarcation de migrants, blessant au moins une personne. Et le 12 juillet, le Parlement polonais a autorisé les forces de l’ordre déployées à la frontière biélorusse à tirer à balles réelles "de façon préventive" ou en "situation de légitime défense" sur quiconque tenterait de violer la frontière. 

Dans le même temps, les autorités européennes ne manquent pas d'idées pour réduire encore les quelques droits et protections des personnes migrantes. Ainsi, l'ONG Statewatch a révélé, le 15 juillet, un projet européen, actuellement débattu au sein de la Commission européenne et du Conseil européen, visant à modifier la Directive sur l'aide à l'immigration illégale de 2002 qui risque de criminaliser davantage les migrants et ceux qui leur viennent en aide, y compris les organisations de sauvetage en mer. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits humains a estimé qu’il existe "un risque sérieux" que ce texte soit "utilisé pour criminaliser les défenseurs des droits de l'homme et dissuader les citoyens de partager des informations concernant la migration vers l'UE".

Des décennies de politiques migratoires de plus en plus restrictives montrent que cette approche est complètement inefficace pour dissuader les candidats au départ qui, pour beaucoup, n'ont plus rien à perdre. En revanche, elles causent des morts évitables par milliers. Ainsi, l'augmentation de la surveillance en Méditerranée a conduit à une reprise de la route des Canaries, pourtant l'une des plus dangereuses au monde. En effet, si par malheur, une embarcation dévie trop de sa trajectoire initiale le long des côtes africaines - à cause des forts courants marins - et se retrouve au large, elle n'a aucune chance d'être retrouvées dans l'immensité de l'océan et les passagers sont condamnés à mourir de soif et de faim. Le 6 août, une pirogue avec 14 squelettes a ainsi été retrouvée au large de la République dominicaine, en mer des Caraïbes. Les documents d’identité retrouvés à bord appartiennent à des ressortissants de la Mauritanie et du Sénégal, âgés de 24 à 33 ans qui rejoignent les 5000 personnes décédées sur cette route depuis le début de l'année. Même constat sur le littoral du nord de la France :  malgré une surveillance accrue et une présence policière permanente, soutenue par l’utilisation de drones et de caméras thermiques, plus de 14 000 personnes ont tout de même atteint le Royaume-Uni en 2024, soit une hausse de 18% par rapport à la même période l'an dernier. Hausse également du nombre des morts : 9 personnes depuis la mi-juillet, soit 23 depuis le début de l'année contre 12 en 2023. En effet, pour échapper au harcèlement policier, les personnes tentent la traversée de plus en plus loin des côtes anglaises (multipliant par trois le temps passé en mer et les donc les risques de panne moteur ou de crevaison), sur des embarcations de plus en plus chargées (une jeune femme est d'ailleurs morte récemment écrasée sous les autres passagers) et dans des conditions météo de moins en moins favorables.

Quant aux discours anxiogènes sur les migrants dont nous abreuvent nombre de médias et de politiques, on voit leurs conséquences avec les émeutes au Royaume-Uni qui ont ciblé des lieux hébergeant des réfugiés et des mosquées. Comment s'étonner de tels événements quand des responsables jusqu'au sommet des États, au Royaume-Uni comme dans toute l'Europe et aux États-Unis répètent en boucle des propos tenant l'immigration comme mère de tous les maux ? 

Au cercle de silence, nous cherchons au contraire à exprimer l'humanité commune qui nous lie aux personnes migrantes et notre certitude qu'il est possible de construire une société plus juste, plus humaine, plus ouverte et plus accueillante. Le prochain cercle aura lieu le 20 septembre à 18h30 place du Palais Royal. Nous vous y espérons nombreux !

Le prochain cercle de silence se tiendra ce vendredi 17 mai à 18h30, place du Palais Royal (le suivant se tiendra le 21 juin). Votre présence est précieuse, même pour quelques minutes !

Dans quelques semaines se tiendront les élections européennes. Si la participation est malheureusement généralement faible, leur résultat aura un impact important sur nos vies et sur celles des personnes migrantes. En effet, le Parlement européen a un rôle fondamental dans le fonctionnement de l'UE : il contrôle l'exécution du budget européen, peut constituer des commissions d'enquêtes, est codécisionaire avec le Conseil de l'adoption des réglementations européennes, peut demander à la Commission de lui soumettre des propositions législatives, peut rejeter ou amender la partie dépenses du budget de l'Union européenne... Un autre enjeu important des élections européennes est le renouvellement de la Commission européenne qui gère les politiques de l'UE et met en œuvre le budget. Or il est d'usage que son président soit issu du groupe politique arrivé en tête aux élections européennes...

Les politiques d'asile et d'immigration sont largement décidées au niveau européen et visent actuellement à empêcher par tous les moyens les migrants d'atteindre le territoire européen.

...continuer la lecture de "Actualités de mai 2024"

Le prochain cercle de silence se tiendra ce vendredi 19 avril à 18h30, place du Palais Royal (le suivant se tiendra le 17 mai). Votre présence est précieuse, même pour quelques minutes !

Dans moins de deux mois, nous voterons pour les élire les députés européens. L'enjeu est double pendant cette période : lutter contre la désinformation concernant les personnes migrantes utilisée à des fins électoralistes par de nombreux partis et faire entrer au Parlement européen un maximum de représentant portant une vision humaniste sur les politiques migratoires.

Rappelons en effet l'impact des décisions des instances européennes sur la vie des personnes migrantes. La semaine dernière, le Parlement européen a adopté le Pacte sur la migration et l'asile. Ce texte, décrié par plus de 160 organisations, légalise et encourage des pratiques honteuses, contraires aux droits humains fondamentaux :

  • Instauration d'une procédure de filtrage discriminatoire des demandeurs d'asile selon leur nationalité (ce qui est contraire au droit international), les privant d'un examen individuel et approfondi de leur situation,
  • Généralisation des camps de détention et d'expulsion aux frontières, véritables zones d'exception où l'accès au juge est rendu quasi impossible, et dans lesquelles seront également enfermés des familles et des enfants,
  • Déploiement de technologies de surveillance de masse aux frontières et collecte de données biométriques sur les personnes migrantes à partir de 6 ans,
  • Possibilité pour les États de refuser d'accueillir des demandeurs d'asile et de financer à la place des moyens de fortification et de surveillance des frontières dans l'UE et dans des pays tiers.

En plus de cette réforme, l'UE multiplie les accords avec les pays non-européens comme la Tunisie, la Mauritanie ou la Libye pour tenter d'empêcher les départs vers l'Europe. Et tant pis si on finance par là-même des organisations et des régimes criminels qui commettent les pires exactions contre les migrants (torture dans les geôles libyennes, manœuvres dangereuses des garde-côtes libyens conduisant à des noyades, déportation et abandon des migrants dans le désert par la Tunisie...). Dernier accord en date, celui passé avec le dirigeant de l’Egypte Abdel Fattah Al-Sissi le 17 mars 2024 avec à la clé une enveloppe de 200 millions d'euros, notamment pour surveiller la frontière sud qui borde la bande de Gaza et le Soudan. L'UE paie donc le régime pour éviter le départ, dans le futur, de Palestiniens cherchant à échapper au génocide ou de Soudanais qui fuient la guerre qui a déplacé 8,4 millions de personnes en un an...

Et inutile probablement de préciser que rien n'est prévu dans le texte pour l'accueil digne des personnes migrantes ou le sauvetage en mer. Rappelons que chaque jour, des dizaines de personnes meurent en Méditerranée ou dans l'Atlantique, et nous ne saurons jamais combien ont disparu sans laisser de traces. Le 13 mars, l'équipage de l'Ocean Viking a porté secours à un bateau à la dérive depuis une semaine, sans eau ni nourriture. À l'arrivée des sauveteurs, une soixantaine de personnes (dont un bébé) étaient déjà mortes, et, sur les 25 secourues, une autre est décédée quelques heures plus tard. Peut-on imaginer ce que vivent ces personnes rescapées qui ont vu mourir à petit feu des membres de leur famille et des amis ? 

Non seulement les gouvernements européens faillissent à leur devoir de sauvetage en mer, mais les gardes-frontières adoptent de plus en plus des pratiques agressives qui mettent en danger les passagers des embarcations. Et c'est notamment le cas de la police et de la gendarmerie françaises qui tentent d'empêcher les migrants de rejoindre le Royaume-Uni. Des enquêteurs du Monde ont ainsi montré les manœuvres dangereuses autour de bateaux à l'eau, allant jusqu'à crever des zodiacs se trouvant à plusieurs dizaines de mètres des côtes et dans lesquels se trouvent des enfants.

Les migrations sont des questions complexes pour lesquelles il n'y a pas de réponses toutes faites. Mais peut-être pourrait-on se poser la question de savoir dans quelle société nous voulons vivre. Une société dans laquelle la police pousse à l'eau des personnes épuisées et détruit les tentes de celles qui dorment dehors ? Une France dans laquelle plus d'un millier de mineurs non accompagnés vivent à la rue et où 60% des demandeurs d'asile ne bénéficient d'aucun hébergement contrairement à ce que prévoir la loi ? Qui s'enorgueillit d'accueillir les Jeux Olympiques mais qui chasse les plus démunis de la capitale, laissant des centaines de jeunes sans solution ? Une Europe qui enferme chaque année plus de 100 000 personnes pour le seul motif qu'elles sont étrangères ? Qui se barricade derrière 2000 km de murs gardés par 100 000 gardes-frontières ? 

Dans cette période électorale où de nombreux politiciens vont jouer sur la peur de l'autre pour gagner des voix, ces questions méritent d'être posées. Et de se demander de quoi exactement on devrait avoir peur. En 2022, le nombre de personnes qui ont migré vers l'Europe ne représentait que 0,1% de la population européenne. Ne serait-il pas possible de les accueillir dignement ?

Si vous aussi pleurez les vies détruites par les politiques migratoires inhumaines et refusez d'accepter une société du repli sur soi et de la peur de l'étranger, nous vous invitons à venir nombreux vendredi pour manifester, par notre silence, notre solidarité envers les personnes migrantes.

Pour information, un cercle de silence (organisé par un autre collectif) se tient également tous les samedis de 12h à 13h devant Beaubourg (angle des rues St Martin et Aubry le Boucher) pour appeler à un cessez-le-feu à Gaza.

Le prochain cercle de silence se tiendra ce vendredi 15 mars à 18h30, place du Palais Royal (le suivant se tiendra le 19 avril). Votre présence est précieuse, même pour quelques minutes !

Ce vendredi, cela fera 16 ans que le cercle de silence se tient chaque mois devant le Conseil d’État. Lieu symbolique et qui joue un rôle important dans le contrôle des politiques migratoires, comme le montre sa décision du mois de février de modifier le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en France, limitant les « refus d’entrée » aux frontières intérieures de la France. À la frontière italienne, le nombre de personnes renvoyées vers l'Italie a ainsi été divisé par quatre en un mois. Enfin une bonne nouvelle !

Le cercle de silence a été créé il y a donc 16 ans pour protester contre les politiques migratoires inhumaines de l'ère sarkozyste. En 2024, force est de constater que la situation n'a fait qu'empirer.

Le mot d'ordre des gouvernements européens est toujours "expulser, expulser, expulser" quoi qu'il en coûte et au mépris de la légalité. Le 26 février, un charter a été affrété pour expulser 58 personnes (dont de jeunes enfants) de Rennes vers la Géorgie. 80 policiers ont participé à l'opération. Notons que ces expulsions groupées sont contraires à la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Pour s'enfoncer toujours plus dans la honte, une obligation de quitter le territoire français (OQTF) a été délivrée à une famille gazaouie en France 2018. Où est-elle censée retourner ?

En 2024, les frontières tuent toujours plus. On déplore déjà au moins neuf morts noyés en tentant de rejoindre l'Angleterre, dont une petite fille de 7 ans, décédée le 3 mars. Les patrouilles des forces de l'ordre le long des plages poussent en effet les personnes migrantes à emprunter des routes de plus en plus dangereuses. Les bateaux sont maintenant mis à l'eau dans les fleuves où leur proximité avec les porte-conteneurs augmente leurs risques de chavirer. Les naufrages se multiplient aussi en Méditerranée, notamment à cause des décrets italiens visant à vider la zone des navires des ONGs et au refus des États européens de respecter leur devoir de sauvetage. Ainsi, le 6 mars, un adolescent a fait un arrêt cardiaque peu après son secours par le Sea-Watch 5 suite à son exposition pendant une dizaine d'heures aux vapeurs d’essence de son canot. L’équipe médicale à bord a réussi à le réanimer avant d'appeler les pays alentour pour demander son évacuation médicale urgente. Mais ni l'Italie, ni Malte, ni la Tunisie n'ont lancé d'évacuation et le garçon est décédé deux heures plus tard.

Non seulement les pays européens refusent de venir en aide aux personnes en détresse, mais ils arment les garde-côtes libyens pour qu'ils empêchent les migrants de parvenir en Europe. Lancé en 2020 et prolongé en mars 2023 jusqu'en 2025 par le Conseil européen, l'accord avec la Libye prévoit la formation des garde-côtes et la livraison de navires pour un montant de plus de 16 millions d'euros. Ces mêmes garde-côtes qui tirent à balles réelles lors des opérations des ONGs de sauvetage. Dernier report en date, le 2 mars, où ils ont ouvert le feu alors qu’une équipe de SOS Humanity procédait au sauvetage de migrants en détresse. De nombreuses personnes se sont alors jetées à l'eau, l'une d'elle est morte noyée. Si l’équipage du Humanity 1 est parvenu à secourir 77 personnes, de nombreuses autres ont été forcées de monter à bord du bateau des garde-côtes libyens, séparant au moins six membres d’une même famille. En 2023, environ 17 200 migrants ont été interceptés et renvoyés en Libye où ils sont soumis, de notoriété publique, à la torture et au travail forcé.

Enfin, les refoulements illégaux aux frontières sont légion sous les yeux, voire avec la complicité, de l'agence européenne Frontex. À la frontière entre la Bulgarie et la Turquie, des demandeurs d’asile sont obligés de retourner en Turquie à la nage, déshabillés de force, ou sévèrement mordus par les chiens des gardes bulgares. De nombreux rapports ont montré que les garde-côtes grecs repoussent les bateaux des migrants vers les eaux territoriales turques, souvent après leur avoir pris leurs effets personnels (argent et téléphones). En avril 2023, des garde-côtes grecs ont ainsi été filmés en train de placer sur un canot à la dérive un groupe de migrants, en majorité des enfants, dont un nourrisson. Pourtant, l'UE prévoit de multiplier par quatre les effectifs de Frontex d'ici à 2027, avec le déploiement de 10 000 gardes-frontières, et l'agence envisage de doter ses membres d’armes "létales et non létales".

Aucune amélioration non plus sur le front de l'accueil, notamment des enfants. À Paris, des centaines de mineurs isolés vivent à la rue. La préfecture multiplie les évacuations de campements, probablement dans le but de "nettoyer" la capitale avant les Jeux Olympiques... La semaine dernière, mercredi 6 mars, elle a évacué, sans relogement, un campement de 400 mineurs isolés entre le pont de Sully et le pont Neuf. Il s'agit de la quatrième opération de ce type. Une centaine de jeunes ont été autorisés à dormir devant un bâtiment au-dessus du pont Marie, mais la police leur a interdit d'installer des tentes. Il faisait 2°C. Pour résumer : en 2024, on trouve normal de faire dormir des enfants par terre dans la rue en plein hiver...

Alors bien sûr, après 16 ans, on pourrait se demander si cela vaut le coup de continuer, vu le manque criant de résultats. Et pourtant, malgré les doutes, notre motivation est intacte. On n'éteint pas une bougie dans la nuit sous prétexte qu'elle n'éclaire pas suffisamment. Chaque mois, nous espérons faire prendre conscience aux quelques personnes que nous croisons, qui lisent nos tartines interpellées par notre silence, du simple fait que les "migrants" ce sont d'abord des humains, comme nous, avec des rêves et des histoires, que chaque mort est une tragédie évitable, et que l'accueil nous enrichit davantage que le repli sur soi. Et cela vaut bien une heure de notre temps.

Nous espérons vous voir nombreux vendredi pour manifester, par notre silence, notre indignation face aux politiques migratoires inhumaines et notre solidarité envers les personnes migrantes.

Le prochain cercle aura lieu le vendredi 16 février à 18h30 place du Palais Royal, en face du Conseil d’État.

L'année 2024 s'ouvre sur des régressions législatives majeures pour le droit des personnes migrantes.

En France d'abord avec la loi Darmanin qui a été promulguée fin janvier et qui signe entre autres une réforme de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) qui menace l'accès au droit d'asile, la généralisation de la double peine et le recul de la protection — déjà bien faible — des mineurs isolés. Et ce n'est probablement pas fini, le gouvernement souhaitant réintroduire dans d'autres textes certains articles retoqués par le Conseil constitutionnel comme cavaliers législatifs. Le 12 février, Darmanin a annoncé vouloir supprimer le droit du sol à Mayotte suite aux blocages routiers installés par des habitants pour protester contre l'insécurité et l'immigration. Comme d'habitude, aucune réponse n'est apportée aux problèmes structurels de l'île qui conduisent à la situation actuelle comme le manque criant de logements, le sous-financement chronique des infrastructures publiques (notamment l'école et la santé), ou l'absence totale de planification de l'adaptation aux crises climatique et écologique qui causent une pénurie d'eau sévère... Et, à nouveau, le Rassemblement national qui se félicite et, enfourchant son vieux cheval de bataille, appelle à supprimer le droit du sol pour tout le pays.

Pendant ce temps, la fabrique à sans-papiers bat son plein. Obtenir un rendez-vous en préfecture pour déposer une demande de titre de séjour relève de l'exploit et, une fois la demande enregistrée, la délivrance du titre de séjour met entre deux et trois ans ! La nécessité de présenter des fiches de paie imposent aux sans-papiers de recourir à des pratiques illégales (comme l'utilisation du titre de séjour de quelqu'un d'autre) pour espérer être, un jour, régularisé !

Il nous faut aussi annoncer l'ouverture le 5 février d'un nouveau centre de rétention dans le Loiret. Muni de 170 caméras, il est prévu pour enfermer 90 personnes. Rappelons qu'il s'agit d'utiliser l'argent public pour enfermer des gens qui n'ont commis aucun délit et dont beaucoup sont inexpulsables...

Quant à l'Union européenne, elle a adopté le pacte européen sur la migration et l'asile. Une fois de plus, l'Europe renonce à l'humanité et à la solidarité et fait le choix du repli sur soi et de la répression avec notamment :

  • L'introduction d'un devoir de solidarité entre pays membres qui, s'il a été salué comme une avancée, permet en réalité aux pays qui ne veulent pas accueillir de personnes migrantes de contribuer aux financements de projets visant à empêcher les migrants d'atteindre l'Europe, comme la construction de murs ou la collaboration avec des pays tiers comme la Tunisie ou la Libye. Ainsi, plutôt que de financer l'accueil, les pays peuvent choisir de financer des gouvernements qui commettent des exactions contre les exilés. Par exemple, les ONGs de sauvetage en mer alertent régulièrement sur les manœuvres dangereuses des garde-côtes libyens financés par l'UE (l'Ocean Viking a même été menacé par des coups de feu). De nombreux témoignages attestent d'expulsions forcées de la Tunisie vers les frontières avec la Libye (où le recours généralisé à la torture contre les migrants est bien documenté) ou l'Algérie (d'où les exilés sont souvent repoussés vers le Niger). Dans le premier cas, les migrants sont abandonnés dans le désert, dans le second dans les montagnes sous la neige.
  • Un coup sévère est porté au droit d'asile avec la mise en place d'un filtrage aux frontières de l'UE. Les personnes provenant de pays dont le taux de reconnaissance du statut de réfugié est inférieur à 20% devront passer par une procédure accélérée. Les demandes ne seront donc plus individualisées, mais traitées différemment selon la nationalité, ce qui est contraire à la Convention de Genève. En cas de "crise" ou de "cas de force majeure", les procédures d'urgence risquent également d'empêcher les exilés d'accéder au droit d'asile.
  • La réforme normalise le recours arbitraire à la détention et la création de camps (ou hotspots) en vue d'expulsions rapides et massives sans examen individuel des situations.
  • Le fichage est généralisé avec le renforcement d'Eurodac, la base de données biométriques qui recueille les données des migrants. Ceux-ci pourront être contraints de se soumettre à la prise d'empreintes digitales et d'images faciales, et ce, à partir de six ans ! Les informations sensibles seront conservées pendant 10 ans et partagées avec d'autres banques de données européennes (notamment afin d'empêcher les personnes de formuler plusieurs requêtes). Il s'agit là non seulement d'une atteinte grave aux libertés et à la vie privée des personnes migrantes, mais aussi bien sûr d'une porte ouverte à la collecte massive de données sur la population générale.
  • Le règlement intègre le concept de "pays tiers sûr" ce qui permettra aux États de décider de renvoyer une personne demandant l’asile vers un pays hors de l’UE, considéré comme sûr, sans étudier sa demande de protection. Les États définissent individuellement leur liste de "pays tiers surs". Encore un pas honteux vers l’externalisation des politiques d’asile !
  • Le pacte conserve la logique du règlement Dublin qui oblige les migrants à déposer leur demande d'asile dans le premier pays d'entrée, ce qui surcharge les pays d'arrivée et nie les besoins et projets des personnes (en particulier les attaches familiales).

Comme d'habitude, cette réforme est à la fois inhumaine et inefficace. Augmenter les difficultés auxquelles font face les personnes migrantes ne les dissuade nullement de partir, mais leur fait prendre des routes toujours plus risquées. Par exemple, les systèmes de très haute sécurité mis en place aux abords de l'Eurotunnel et autres terminaux de ferries ne diminuent pas les départs pour le Royaume-Uni. Certains tentent de se cacher dans des camions frigorifiques (24 personnes retrouvées — heureusement vivantes — le 23 janvier). Mais la plupart tentent la traversée par la mer. Le gouvernement déploie donc de plus en plus de policiers le long des plages de départ. Les passeurs ont alors développé un système de "taxi-boats" encore plus dangereux. Ces embarcations partent de régions où les contrôles sont moins fréquents avec seulement quelques personnes à bord avant de mettre le cap vers les plages proches de Calais où se cachent les passagers ayant payé pour la traversée. Ceux-ci se jettent alors à l’eau pour embarquer, car selon le droit maritime, les policiers ne peuvent pas interpeller les bateaux déjà en mer. Les exilés attendent les embarcations dans les eaux glaciales de la Manche, parfois immergés jusqu’au torse. Ainsi, cinq personnes sont mortes noyées dans la nuit du 13 au 14 janvier.

Si comme nous, vous ne supportez plus cette politique migratoire inhumaine faite en notre nom, venez nous rejoindre le troisième vendredi du mois pour manifester, par notre silence, notre indignation et notre solidarité envers les personnes migrantes.

Le 6 février à 18h aura lieu un rassemblement place Edmond Michelet (Paris 04) en hommage aux personnes mortes ou disparues aux frontières.

Cette commémor'action internationale se tient chaque année depuis 10 ans et correspond au jour anniversaire du massacre de Tarajal le 6 février 2014 au cours duquel 14 personnes sont mortes sous les tirs de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogène de la Guardia civil espagnole qui tentait de les empêcher de rejoindre l’enclave de Ceuta.

Chaque année, des milliers de personnes meurent aux frontières de l'Europe, noyées dans la Méditerranée, la Manche ou l'Atlantique, perdues et épuisées dans le Sahara, dans les Alpes ou aux frontières avec les pays de l'Est (Pologne, Serbie, Hongrie...) ou torturés et assassinés dans le geôles de Libye. Beaucoup disparaissent et laissent derrière elles des familles qui ne sauront jamais ce qui leur est arrivé.

Les États européens sont responsables de cette tragédie en refusant de mettre en place un système efficace de sauvetage en mer, en entravant la mission des bateaux humanitaires (détentions au port, assignation de ports lointains qui les éloigne des zones de sauvetage), en finançant les garde-côtes libyens et en mettant en place une véritable militarisation des frontières (présence policière à la frontière italienne, démantèlement brutal des campements, construction de murs à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne...) qui pousse les migrants à emprunter des routes toujours plus dangereuses.

Soyons donc nombreux le 6 février pour exiger la fin de ce régime de mort aux frontières et demander vérité, justice et réparations pour les victimes de la migration et leurs familles !

Dans le cadre de la commémor'action, la Cimade organise également un ciné-rencontre en ligne le jeudi 8 février 2024 de 18h30 à 20h autour de Je ne lâcherai pas ta main, un court-métrage de Dominique Cabrera construit à partir du témoignage d'un des deux survivants du naufrage du 24 novembre 2021 qui avait fait 27 morts dans la Manche alors que les secours avaient été contactés pas moins de 14 fois. La séance sera suivie d'un échange avec Nikolaï Posner, porte-parole et coordinateur de l’association Utopia 56, Maël Galisson, journaliste spécialisé sur les questions d’exil et de migration et Eva Ottavy responsable Solidarités Internationales à La Cimade. Cliquez ici pour vous inscrire à cette séance en ligne gratuite.

Le Conseil Constitutionnel a statué le 25 janvier sur la loi Darmanin sur l'immigration. Si les mesures les plus extrêmes ont été censurées (préférence nationale, rétablissement du délit de séjour irrégulier, fin du droit du sol, durcissement de l’accès au regroupement familial ou au titre de séjour pour soins, attaques contre les étudiants étrangers), le texte demeure le plus répressif depuis des décennies. Il signe en effet entre autres :

  • Un recul du droit d'asile avec la généralisation du juge unique à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) contre trois actuellement, la décentralisation des instances responsables du droit d'asile (Ofpra et CNDA) ce qui risque de poser des problèmes d'interprétariat, et la systématisation des obligations de quitter le territoire (OQTF) en cas de refus de la demande d'asile.
  • La généralisation de la double peine avec la possibilité d'expulser les étrangers arrivés sur le territoire français avant 13 ans, ou résidant en France depuis plus de 20 ans, ou mariés à une personne française, ou parent d’un enfant français s'ils ont été condamnés à plus de trois ans de prison et sont estimés présenter une "menace grave pour l'ordre public" (auparavant, ces personnes ne pouvaient pas être expulsées sauf en cas "d’atteintes aux intérêts fondamentaux de l’État" ou pour des "activités à caractère terroriste").
  • Un recul de la protection (déjà bien faible) des jeunes avec la possibilité de délivrer une OQTF lorsque les mineurs isolés placés à l'Aide sociale à l'enfance atteignent leur majorité (auparavant, le dispositif de protection de l'enfance les protégeait jusqu'à 21 ans). Le texte permet aussi la création d’un fichier des mineurs étrangers isolés suspectés d’être des délinquants avec le recueil de leurs empreintes digitales sans que leur consentement soit nécessaire.
  • Le conditionnement de la remise de visas aux personnes étrangères à la bonne délivrance des laissez-passer consulaires (nécessaires aux expulsions) par leur pays d'origine.

En outre, le Conseil Constitutionnel a essentiellement statué sur la forme et non sur le fond de la loi, la plupart des articles censurés l'ayant été comme cavaliers législatifs. On risque donc de revoir certaines mesures nauséabondes dans d'autres projets de loi.

Même si la loi a été promulguée, continuons de demander son abrogation et de dire non à cette politique migratoire scandaleuse. Soyons nombreux à rejoindre la manifestation le 3 février à 14h place de la République !