Le prochain cercle de silence se tiendra ce vendredi 17 janvier à 18h30, place du Palais royal (le suivant se tiendra le 21 février). Votre présence en soutien est précieuse, même pour quelques minutes !
En 2024, les dirigeants européens ont poursuivi leurs politiques migratoires meurtrières. D'ailleurs, à quelques heures de la nouvelle année, les garde-côtes grecs se sont illustrés en interceptant 39 exilés dont 23 enfants et en les forçant à monter dans deux radeaux de sauvetage qu'ils ont abandonnés dans la nuit en pleine mer après leur avoir pris leurs téléphones.
D'après les chiffres conservateurs de l'ONU, 1 700 personnes sont mortes en tentant de traverser la Méditerranée centrale pour rejoindre l'Europe. Difficile de connaître l'ampleur de la tragédie, car de nombreuses embarcations disparaissent sans laisser de trace. Et l'externalisation des frontières de l'Europe permet de laisser mourir les gens loin de nos regards. Les garde-côtes libyens, financés par l'Union européenne, ont ainsi arrêté 21 700 exilés (dont 700 enfants) en mer Méditerranée et les ont ramenés de force dans l'enfer des geôles libyennes où les viols, torture et assassinats sont la norme. Dans ce pays, les personnes migrantes sont considérées comme de la marchandise, vendues comme esclave ou kidnappées et torturées pour rançonner leurs familles.
Une enquête de Lighthouse Reports a montré comment, les fonds de l'UE (plus de 400 millions depuis 2013) financent des opérations clandestines au Maroc, en Tunisie et en Mauritanie au cours desquelles les migrants subsahariens sont arrêtés en raison de leur couleur de peau et emmenés dans le désert sans eau ni nourriture, et parfois vendus à des trafiquants d'êtres humains ou à des gangs qui les torturent contre rançon. Alors qu'on nous parle sans cesse de lutte contre les passeurs, en réalité, les gouvernements européens contribuent, sciemment, au financement et à l'équipement de ces réseaux criminels.
Le résultat de ces politiques, c'est toujours plus de morts sur les routes migratoires. On estime ainsi que, si 63 970 personnes sont arrivées en Espagne en 2024, plus de 10 000 sont mortes noyées sur la route, dont 1 538 enfants.
Nos gouvernements feraient mieux de se demander ce qui pousse des hommes, des femmes, et des enfants à prendre tous ces risques. Mais cela demanderait de remonter aux causes des guerres et à l'origine des armes utilisées, aux financements occultes des dictateurs ou à l'impact des multinationales européennes dans les pays du Sud global. Par exemple, l'exploitation minière au Sénégal par l'entreprise française Eramet, à destination de l'industrie française (nucléaire, bâtiment...), détruit et assèche les terres agricoles, chasse les populations de chez elles et pulvérise l'économie locale. Et que dire des navires usines européens qui vident les côtes africaines de leurs poissons ? Alors posons-nous la question : que ferions-nous à la place de ces personnes à qui on a tout pris ?
Pour celles et ceux qui arrivent en Europe, le calvaire n'est malheureusement pas fini. Si on dépense des centaines de millions pour les garde-côtes libyens ou les drones de Frontex, il n'en est pas de même pour l'accueil. L'hébergement d'urgence étant saturé, nombre d'exilés vivent actuellement à la rue, malgré les températures négatives. Les campements de fortune qu'ils construisent en espérant se réchauffer un peu sont systématiquement détruits par la police qui laisse les gens dans la même situation dramatique qu'avant, la tente en moins. Quand bien sûr elle ne les enferme pas en centre de rétention, ces prisons pour étrangers aux conditions sanitaires déplorables. Depuis octobre dernier, quatre personnes y sont mortes, dont deux par suicide.
Nous ne pouvons pas finir cette lettre sans parler de la situation lamentable à Mayotte suite au cyclone Chido qui a détruit la quasi-totalité des bidonvilles de l'île abritant environ 200 000 personnes. Au lieu de prendre ses responsabilités sur ses défaillances dans l'administration du département le plus pauvre de France, l'Etat s'est encore défaussé sur les migrants. Les ministres de l’Intérieur, des Outre-mer et des Armées, ont ainsi osé déclarer que les « désordres migratoires » avaient « aggravé » la situation ! Qui pourtant est responsable du sous-financement chronique des infrastructures de l'île ? Et alors que l'aide humanitaire tarde à arriver (une semaine après le cyclone, les habitants des bidonvilles — dont plus du tiers sont des Mahorais en situation régulière — n'avaient toujours reçu ni eau ni nourriture), ces mêmes ministres annonçaient le déploiement d'ici fin janvier de nouveaux moyens pour lutter contre l'immigration clandestine comme des radars légers, des caméras à très longue portée ou encore des drones. Voilà une utilisation pertinente de nos impôts qui va aider les habitants de l'île privés d'eau courante et d'électricité !
En 2025, nous prenons l'engagement de continuer à garder les yeux ouverts sur les souffrances de nos frères et sœurs migrants, à nous mobiliser pour dénoncer les politiques migratoires honteuses et éveiller les consciences de nos concitoyens et à contribuer, à notre échelle, à construire une société ouverte et accueillante. Nous espérons que vous serez nombreux à nos côtés !