Le prochain cercle de silence se tiendra ce vendredi 17 mai à 18h30, place du Palais Royal (le suivant se tiendra le 21 juin). Votre présence est précieuse, même pour quelques minutes !
Dans quelques semaines se tiendront les élections européennes. Si la participation est malheureusement généralement faible, leur résultat aura un impact important sur nos vies et sur celles des personnes migrantes. En effet, le Parlement européen a un rôle fondamental dans le fonctionnement de l'UE : il contrôle l'exécution du budget européen, peut constituer des commissions d'enquêtes, est codécisionaire avec le Conseil de l'adoption des réglementations européennes, peut demander à la Commission de lui soumettre des propositions législatives, peut rejeter ou amender la partie dépenses du budget de l'Union européenne... Un autre enjeu important des élections européennes est le renouvellement de la Commission européenne qui gère les politiques de l'UE et met en œuvre le budget. Or il est d'usage que son président soit issu du groupe politique arrivé en tête aux élections européennes...
Les politiques d'asile et d'immigration sont largement décidées au niveau européen et visent actuellement à empêcher par tous les moyens les migrants d'atteindre le territoire européen.
Depuis plusieurs années, l’UE multiplie les accords avec les pays d’origine et de transit des exilés sans se préoccuper des violations des droits humains qui y sont commis en leur versant des centaines de millions d'euros en échange de leur collaboration pour empêcher les départs vers l'Europe. Elle finance ainsi les garde-côtes libyens qui interceptent violemment les bateaux et renvoient les passagers en Libye, où les personnes migrantes sont systématiquement enfermées, torturées et violées. Autre bénéficiaire, le régime tunisien qui se lance dans une chasse aux migrants subsahariens et les renvoie vers les frontières avec la Libye ou l'Algérie, causant la mort de centaines de personnes dans le désert.
Certains pays veulent pousser encore plus loin cette externalisation des frontières européennes. L'Italie a commencé à construire des centres de rétention pour migrants en Albanie où les personnes (y compris les familles et les enfants) seront enfermées le temps de l'instruction de leur demande d'asile. Quant au projet britannique d'expulser des migrants au Rwanda, il a finalement été adopté dans la nuit de lundi 22 à mardi 23 avril. D'après des documents du Home Office, l'expulsion prévue de 30 000 exilés sur cinq ans pourrait coûter près de 5,8 milliards d'euros. Soit pas loin de 200 000 euros par personne ! On vous laisse calculer combien de personnes pourraient être accueillies dignement avec cette somme...
Malgré le coût exorbitant de ces accords qui alimentent les régimes corrompus et dictatoriaux, certains en redemandent : un groupe d'États européens, emmenés par le Danemark et la République tchèque, s'apprêtent à envoyer une lettre dans laquelle ils plaident pour transférer des migrants hors de l'UE. Ces nouvelles propositions sont destinées à la prochaine Commission, qui prendra ses fonctions après les élections européennes...
Et pour ceux qui parviennent à atteindre l'Europe, le nouveau Pacte européen sur les migrations, adopté définitivement le 14 mai, généralise l'enfermement dans des camps de rétention aux frontières afin de favoriser les expulsions.
La militarisation des frontières n'a jamais empêché les personnes qui fuient la guerre, la misère ou les persécutions de chercher à des pays où elles espèrent être en sécurité. En revanche, cela les pousse à emprunter des routes toujours plus dangereuses.
Ainsi, suite aux contrôles accrus en Méditerranée, la route entre l'Afrique de l'Ouest et les îles Canaries a été réactivée et est de plus en plus empruntée. Les départs ne se font plus seulement de l’ouest du Maroc, mais aussi désormais de la Mauritanie et du Sénégal, à plus de 1 000 km de l’archipel. Résultat : une multiplication des morts, plus de 6000 l'an dernier selon l'ONG Caminando Fronteras et plus de 1500 pour les quatre premiers mois de l’année 2024. Le 29 avril dernier, les forces espagnoles ont secouru 9 exilés accrochés depuis deux jours à une embarcation submergée qui avait coulé après une semaine de navigation depuis les côtes sénégalaises. Plus de 50 personnes sont mortes noyées et n'ont pas été retrouvées. Autre exemple macabre, le 13 avril, les corps de 9 migrants subsahariens ont été retrouvés dans une embarcation en bois au large des côtes brésiliennes. Parti de Mauritanie, le bateau a probablement été emporté vers le large par les courants marins et les passagers, sans doute beaucoup plus nombreux, seraient morts progressivement de faim et de soif. Ces tragédies sont la conséquence directe des politiques européennes de fermeture des frontières. Mais également des politiques économiques et environnementales. L'UE continue par exemple à autoriser et à subventionner le pillage des ressources marines en Afrique de l'Ouest par d'énormes navires de pêche industrielle, privant les pêcheurs locaux de leurs moyens de subsistance.
Si nous avons beaucoup parlé de la politique européenne, nous n'oublions pas pour autant ce qui se passe en France. En commençant par Mayotte où se déroule actuellement l'opération "Mayotte place nette" qui vise à détruire les bidonvilles et à intercepter les bateaux en provenance des Comores et de l'Afrique des Grands Lacs. Malgré l'échec - prévisible - de l'opération Wuambushu pour résoudre les problèmes de sécurité et de pauvreté dans l'île, le gouvernement remet le couvert et s'attaque toujours plus aux populations déjà dans une situation de grande précarité. Rappelons que, même si Mayotte est un département français, les migrants y sont soumis à un régime d'exception. Ainsi, en 2023, 3 262 mineurs non accompagnés ont été enfermés en centre de rétention, au mépris des droits de l'enfant les plus élémentaires. Et le gouvernement continue sur son idée - retoquée par le Conseil constitutionnel - de supprimer le droit du sol à Mayotte, la ministre des Outre-Mer ayant annoncé la présentation pour la fin du mois de deux projets de loi, dont une constitutionnelle.
À Paris, une enquête d'Action contre la faim, a montré que plus de la moitié des mineurs isolés à Paris souffrent de "faim sévère", c'est-à-dire qu'ils n'ont pas mangé depuis 24h, et se sont couchés le ventre vide. L'association remarque que c'est "un niveau de criticité
rarement atteint, qu’on trouve plutôt dans des contextes de crises humanitaires aiguës, comme en Afrique de l’Ouest". Sur l'ensemble des jeunes interrogés, seuls 8% ont "peu ou pas faim". Ces jeunes, non pris en charge comme ils devraient l'être, sont à la rue et subissent un harcèlement policier constant et d'autant plus important que le gouvernement veut éviter l'établissement de campement à l'approche des jeux olympiques. Alors qu'on nous parle sans cesse de la fierté d'être français, sommes-nous vraiment fiers d'avoir, dans l'une des villes les plus riches du monde, des enfants qui souffrent d'un niveau de faim généralement atteint lors de guerre ou de catastrophe naturelle ?
Si vous aussi êtes écœurés par ces politiques migratoires inhumaines et refusez d'accepter une société où on laisse mourir les gens en mer et où les enfants affamés sont à la rue, nous vous invitons à venir nombreux pour manifester, par notre silence, notre solidarité envers les personnes migrantes.